Chez l’eau à la bouche, on aime les projets qui ont de la personnalité. Pour cette édition, direction la Californie, à la rencontre d’une vigneronne qui bouscule les codes avec humour, profondeur, et un goût affirmé pour la transmission.
Derrière Tipsy Rose, un nom plein d’ironie tendre, se cache une femme ancrée dans son terroir, passionnée par le geste, et convaincue que le vin peut (et doit) rester un langage vivant.
Si ton vin était une scène de film ?
Ce serait une scène de road trip en fin de journée. Tu sais, ce moment où le soleil décline, où on est un peu fatigué, mais heureux, plein d’histoires à se raconter. Mon vin, c’est ça : un moment suspendu, pas parfait, mais vibrant.
Tu parles souvent du lien physique au vin. Pourquoi c’est si important pour toi ?
Parce que faire du vin, ce n’est pas juste de la chimie ou de la gestion. C’est un métier de mains, de muscles, de gestes répétés. J’adore les punchdowns, c’est comme danser avec le vin. Si quelqu’un d’autre les fait à ma place, même si le résultat est bon, ce n’est plus tout à fait "mon" vin.
Pourquoi avoir appelé ta marque Tipsy Rose ?
C’est parti d’une blague entre amis, à l’époque où je pensais juste apprendre, pas créer un vin. Tipsy, c’est pour l’image d’un bateau qui tangue – comme moi parfois ! Et Rose, c’est un hommage à ma grand-mère. Elle n’était pas douce, mais elle m’a appris à tenir debout. C’est un nom qui ne se prend pas trop au sérieux, comme moi.
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on ressente en buvant Tipsy Rose ?
Du plaisir, surtout. Et peut-être aussi un petit quelque chose qui fait lever un sourcil. J’aime quand un vin surprend, sans écraser. S’il peut faire rire, réfléchir, ou rappeler une vieille histoire oubliée, alors j’ai réussi.
Tu dis que le vin doit rester "vivant". Tu peux expliquer ?
Je trouve que le vin, parfois, devient trop figé. Trop sacralisé. Si on veut que les jeunes générations s’y intéressent, il faut qu’on leur parle autrement. Avec plus d’humanité, moins de jargon. Moi, je veux que mon vin donne envie de parler, de partager, pas juste d’impressionner.
Et avec tes clients, c’est quoi ta manière de créer du lien ?
Je ne vends pas du vin comme un produit fini. Je propose une histoire, une énergie. Si je sens qu’un resto ou une cave ne capte pas ça, je préfère passer mon tour. Mais quand ça matche, c’est magique. J’ai trouvé ça par exemple avec Friend of a Farmer à New York : même vision, même respect du vivant.
Un vin qui t’a marquée à vie ?
Un 1989 Opus One bu un soir d’hiver, seul avec un carnet. Il m’a stoppée net. Et puis un Champagne José Michel – c’était comme une gifle tendre. Certains vins, tu ne les bois pas, ils te tombent dessus.
Ton prochain cap ?
Continuer à grandir sans perdre ma liberté. Peut-être déléguer un peu, mais sans jamais laisser partir le cœur de ce que je fais. Et j’ai un rêve : créer des micro-événements où les gens peuvent goûter, cuisiner, parler, danser autour du vin. Le vin, c’est du lien. Rien d’autre.
Et si tu devais trinquer à tout ça ?
Un pétillant un peu trouble, à peine frais, et des frites maison au romarin. Le croustillant, c’est essentiel pour rêver droit.