Interview de Maryam Ahmed, fondatrice de Maryam & Company : conversations, vin et transmission

25 Sep, 2025

Chez l’eau à la bouche, nous valorisons les voix qui façonnent avec conviction l’avenir de la gastronomie et du vin. Dans cette édition, nous avons posé nos valises à Napa, au cœur de la Californie, pour aller à la rencontre d’une femme à l’énergie rare. Consultante, entrepreneuse, pédagogue, elle a fait de l’éducation sensorielle et du lien humain les piliers de sa démarche.

Son entreprise, Maryam & Company, conçoit des expériences immersives et éducatives pour les professionnels du secteur. À travers son parcours, elle incarne une vision inclusive, précise et profondément humaine de l’industrie. Retour sur un cheminement hors du commun.

Si ton métier avait un parfum ou une texture, ce serait quoi ?

Un tissage. Quelque chose de complexe mais fluide. Mon travail, c’est d’assembler : les gens, les disciplines, les sensations. Ce n’est pas linéaire, ni figé. Il y a du lien, du rythme, du vivant.

Tu parles souvent d’"expériences éducatives immersives". Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?

Pour moi, l’éducation ne fonctionne que si elle touche à quelque chose d’intime. Quand je conçois une formation pour un restaurant ou une marque de vin, je pense d’abord à ce que les gens ressentent, pas à ce que je veux leur "apprendre". C’est par le jeu, par la dégustation, par l’histoire, qu’on retient. Je propose des ateliers, des outils, des mises en situation… tout ce qui permet de reconnecter le cerveau au goût, et le goût aux autres.

Quel a été le déclic pour lancer Maryam & Company ?

Le confinement, clairement. J’enseignais encore au Culinary Institute of America, et je voyais à quel point le modèle classique d’éducation avait du mal à s’adapter. Tout est devenu très vite désincarné. Alors j’ai voulu créer un espace plus agile, plus humain. Maryam & Company, c’est né de ça : l’envie de faire différemment, d’être plus proche du terrain, plus créative aussi.

Ton approche est très sensorielle, mais aussi très stratégique. Comment tu allies les deux ?

Je crois que la rigueur et la sensibilité ne sont pas opposées. Avant de travailler dans le vin, j’étais analyste dans un grand groupe de distribution. J’ai appris à structurer, à quantifier, à justifier. Ensuite, j’ai fait des vendanges, travaillé dans des caves. Ça m’a ramenée à l’intuition, à l’émotion. Aujourd’hui, je veux que mon travail ait du fond et du sens : les marques viennent me voir autant pour clarifier leur message que pour former leurs équipes sur le terrain.

Est-ce que c’est encore difficile de faire entendre sa voix en tant que femme dans le milieu du vin ?

Oui, et non. On est de plus en plus nombreuses, et les réseaux d’entraide existent. Mais il y a encore un plafond, souvent invisible. Ce que j’observe surtout, c’est que beaucoup de femmes dans ce milieu ont appris à être ultra-préparées, à ne jamais "improviser", parce qu’on nous attend au tournant. Ça pousse à l’excellence, mais c’est épuisant aussi. On devrait pouvoir être brillantes sans avoir à tout prouver trois fois.

Tu parles aussi souvent d’inclusivité au-delà du genre. À quoi ça ressemble, concrètement, dans ton travail ?

Former des équipes qui n’ont pas toutes fait des écoles prestigieuses. Écouter les serveurs autant que les sommeliers. Traduire le langage du vin en mots simples, sans le vider de sa richesse. Je pense que l’inclusion commence par une posture : celle de la curiosité, de l’humilité, et du soin. Ce n’est pas une case à cocher, c’est un style relationnel.

Ton prochain défi ?

Grandir sans me perdre. J’aimerais embaucher 2 ou 3 personnes cette année. Mais je veux que ça reste artisanal, proche, joyeux. Et j’espère pouvoir lancer une série de workshops autour des accords mets-vins comme vecteurs d’inclusion culturelle. Le goût, c’est un langage universel. Autant s’en servir.

Et si tu devais trinquer à tout ça ?

Un blanc de Bourgogne avec de la tension, et des chips. Il faut toujours une note croustillante pour accompagner les rêves.

 

 

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